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Une délégation française à la COP15

Une vingtaine de membres de Finance for Tomorrow/l’Institut de la finance durable s’est rendue à Montréal du 10 au 18 décembre pour soutenir l’adoption d’un cadre mondial ambitieux et audacieux pour la biodiversité.
Représentants de sociétés de gestion, d’assureurs et de banques mais aussi de fournisseurs de données ou de cabinet de conseils, tous ont participé à cet évènement de haut niveau qui a abouti à l’adoption d’un « Pacte de paix avec la nature » appelée « Accord de Kunming-Montréal ».

Une semaine de COP15

Les membres de la délégation ont pu, à Montréal, participer à des side-events business and finance organisés dans l’enceinte du Palais de Congrès de Montréal ou à des « external events » mis en musique par des acteurs du monde entier dans d’autres lieux hors les murs de la zone de la COP15.
Finance for Tomorrow/l’Institut de la finance durable a pu organiser, grâce au soutien de son partenaire québécois, Finance Montréal, deux évènements à l’agenda des « COP15 external events » portant sur le partage de cas pratiques de financement de projets pro-nature ou encore sur le retour d’expérience article 29 LEC.

Certains membres de la délégation ont également pu participer à des rencontres et échanger avec Fondaction sur son initiative visant à définir des indicateurs « biodiversité ». Fondaction a pour objectif d’aider les Québécois à épargner pour leur retraite et financer des PME québécoises en contribuant aux objectifs de développement durable
Les membres de la délégation ont rencontré l’écosystème de la Place financière lors d’un évènement de networking organisé à la Caisse des dépôts et de placement du Québec, par notre partenaire Finance Montréal.
Certains membres (MIROVA, SYCOMORE, LBPAM, Swen Cap, CDC B, B&L évolution) ont pu prendre la parole lors des external events visant à mettre en lumière les initiatives pionnières françaises aux côtés de l’EFRAG, de l’ISSB, de Fondaction ou Ecotierra. D’autres ont pu tisser des liens en rencontrant des acteurs de la société civile mobilisée présente sur place (WWF, IUCN, CI, …) et avec les pouvoirs publics français (MTE/CGDD, cabinets ministériels).

Tous ont pu assister en live aux négociations dans le cadre de « working groups » ayant pour mandat d’avancer sur l’une ou l’autre des 23 cibles de l’Accord (notamment sur les targets 14 à 19) les concernant au premier chef.
La délégation a pu participer à un évènement commun avec les membres du groupe de consultation TNFD, a pu rencontrer une délégation de parlementaires français, échanger avec le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, discuter avec l’équipe de négociation française sur les objectifs de la Coalition de la Haute Ambition dite « HAC 2.0 » (devant mettre en musique l’objectif des 30×30 gravé dans le membre de l’Accord Kunming Montréal) ou sur l’avancée au jour le jour des négociations et notamment sur certaines cibles de l’Accord, et avec la ministre du développement, sur l’organisation du One Forest Summit (qui sera organisé à Libreville en mars 2023) en lien avec les entreprises de l’économie réelle (Dior, Kering, L’Oreal, etc.).

Un cap clair pour la nature et les peuples s’appliquant à tous

Montréal est une étape importante pour lutter contre l’érosion de la biodiversité et reconquérir du vivant aux échéances 2030 et 2050 grâce à l’adoption de l’Accord Kunming-Montréal. La réussite de celui-ci se mesurera aux efforts de cohérence entre engagements internationaux et actions réelles et concrètes en découlant devant être mis en œuvre dans les 8 ans à venir.
La Place de Paris est décidée à prendre sa part. Engagés depuis quelques années déjà et pour certains, pionniers dans le financement pour la nature, les membres de F4T/IFD seront mobilisés pour avancer et faire vivre le Momentum COP15 et devraient reprendre les échanges avec les pouvoirs publics dès janvier notamment pour travailler au financement de la HAC 2.0 et participer à la lutte contre la déforestation.

F4T/IDF devrait en outre continuer à travailler avec la société civile en rencontrant l’ONG Conservation International en janvier pour travailler sur la mise en œuvre du projet « Vital Earth » soutenu par les pouvoirs publics et permettant de faire le lien entre les défis climat et biodiversité. F4T/IFD continuera d’accompagner ses membres dans le cadre de son GT biodiversité et capital naturel, notamment en réfléchissant sur un cadre ambitieux de certification biodiversité. En 2023, le GT biodiversité et capital naturel aura dans son agenda : la mise en œuvre de l’article 29 LEC, la participation aux objectifs de la Stratégie nationale contre la déforestation importée (test du bêta framework Forest IQ de Global Canopy et Aligned Accountability), le retour des tests du bêta framework 3.0 de la TNFD, le partage d’expériences et d’outils de mesure d’empreinte biodiversité, et, plus généralement, des échanges autour de la mise en œuvre des targets de l’Accord Kunming-Montréal concernant directement les acteurs économiques.

Arrêter l’érosion de la biodiversité et devenir « nature positive » dans quelques années nécessite un « changement transformatif » selon l’IPBES (GIEC de la biodiversité) ; ce qui oblige à revoir structurellement notre économie et permet dès lors à la finance de jouer un rôle essentiel dans la réussite d’un des plus grands défis de ce siècle.

Contenu de l’Accord

L’Accord Kunming-Montréal se décline en quatre objectifs et 23 cibles.

Si la plus emblématique d’entre elles et défendue par ailleurs par la HAC rassemblant plus de 110 pays sous la houlette de la France et du Costa Rica, porte sur la protection de 30% des terres et des mers, au niveau global, d’ici 2030 et est, pour beaucoup d’observateurs, l’équivalent pour la biodiversité de l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, il n’en reste pas moins que ce qu’il faut retenir de cet accord a trait, une fois n’est pas coutume, au financement de ses objectifs.   

Détails de l’objectif attendu d’alignement des flux financiers entériné lors du Finance Day du 14/12/22

L’Accord appelle les Etats Parties à supprimer et/ou réformer au moins 500 Md$ de subventions néfastes (pour rappel, ces dernières atteignent au total 1 800 Mds $ par an) et la redirection des flux financiers mondiaux vers des projets « nature positive » en mobilisant un total d’au moins 200 Mds $ en faveur de la biodiversité d’ici à 2030. Notez que ces 200 Md$ devront comprendre « au moins » 20 Md$ en 2025 et « au moins » 30 Mds $ en 2030 pour les pays en développement, en particulier les pays les moins développés, les petits États insulaires et les pays en développement. Cette exigence constituait une ligne rouge pour les pays africains notamment.
Cet objectif est à mettre en perspective de l’engagement de l’AFD à flécher 100 Mds € d’ici 2025 à des projets en faveur de la biodiversité.

Initialement, 10 Md$ étaient prévus, ce qui est la somme actuellement consacrée par les pays développés. Si son doublement était anticipé par les pays donateurs, en revanche, la trajectoire permettant de tripler le montant d’ici à la fin de la décennie restait incertaine, si ce n’est un élargissement de la base des pays donateurs à l’ensemble des pays développés, parties ou non à l’accord de la convention. Ce qui permettrait par exemple d’inclure les États-Unis. Des sources de financements privés devraient également venir l’abonder.
Fait notoire accompagnant cette décision est l’ouverture vers la création d’un fonds appelé « Fonds du cadre mondial pour la biodiversité » hébergé par le Fonds mondial pour l’environnement, et ce dès 2023, chargé de « mobiliser et débourser rapidement » (*ces mots ont leur importance) des ressources nouvelles et additionnelles de financements, provenant de toutes sources possibles : publiques, privées, banques multilatérales, etc.

Enfin, cet accord entérine la création d’un «mécanisme multilatéral » de partage des avantages issus de l’exploitation des informations de séquençage numérique des ressources génétiques ou « DSI ». Le process d’opérationnalisation de ce mécanisme devra être défini d’ici la fin de la  COP 16, prévue fin 2024 à Antalya, en Turquie.

Objectifs et cibles de l’Accord d’ici 2030 et 2050

  • Restauration de 30% des écosystèmes dégradés (marins et terrestres) d’ici 2030 ;
  • Conservation et gestion de 30% des aires terrestres, aquatiques, côtiers et marins d’ici 2030 ;
  • Mettre un terme aux extinctions d’espèces menacées par les activités humaines et réduire « significativement » le risque de disparition (notez qu’il n’y a pas de pourcentage …) ;
  • Réduire le risque lié aux pesticides d’au moins 50% d’ici 2030 ;
  • Réduire les fertilisants d’au moins 50% d’ici 2030 ;
  • Réduire les risques de pollution et les impacts négatifs polluants issus de toutes les sources d’ici 2030 ;
  • Réduire l’empreinte globale des activités économiques (et de la consommation) d’ici 2030, inclus la surconsommation et la production de déchets ;
  • Gérer de façon durable les surfaces agricoles, les ressources halieutiques, l’aquaculture et la foresterie et au développement substantiel de l’agroécologie et d’autres pratiques bonnes pour la biodiversité ;
  • Réduire de moitié le gaspillage alimentaire et augmenter l’agroécologie ;
  • Répondre aux enjeux climatiques via les SFN ;
  • Réduire le taux d’introduction des EEE de 50% au moins d’ici 2030 ;
  • Sauvegarder l’utilisation et le commerce légaux et durables des espaces sauvages d’ici 2030 ;
  • Verdir les espaces urbains.