La réglementation en finance durable
La réglementation joue un rôle primordial dans l’harmonisation des bonnes pratiques et l’exclusion des mauvaises. Elle est cruciale pour accompagner l’ensemble du monde financier.
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), mise en place en 1992 lors du « Sommet de Rio », est par exemple le cadre de référence international en ce qui concerne le suivi des réductions des émissions de gaz à effet de serre des Etats parties à la convention. La mise en œuvre de la CCNUCC a notamment permis de poser les bases des systèmes d’échange de crédits carbones pour soutenir l’action en faveur du climat.
Les réglementations au niveau européen
- L’agenda en Europe est actuellement marqué par une dynamique de simplification des réglementations en matière de finance durable. Dans ce contexte, le 26 février 2025, la Commission européenne a présenté un ensemble de propositions, connu sous le nom de « paquet Omnibus », visant à alléger les charges administratives et à simplifier les règles applicables aux entreprises de l’UE.
- Ce « paquet Omnibus » inclut des ajustements de la CSRD, de la Taxonomie et de la CS3D. L’objectif est de renforcer la compétitivité des entreprises européennes tout en préservant les ambitions du Pacte vert européen.
- Les éléments présentés ci-dessous sont donc susceptibles d’évoluer dans les mois à venir
Le cadre réglementaire européen s’est largement développé depuis l’adoption du Green Deal européen en 2019. Il comprend un ensemble de réglementations interdépendantes destinées à favoriser la réorientation des capitaux vers des projets & entreprises durables et en transition.
Cinq textes sont cruciaux à ce titre :
- Règlement européen Taxonomie, un dictionnaire de la durabilité.
- Directive européenne de reporting CSRD, pour harmoniser les normes et standards de durabilité pour les entreprises européennes
- Directive européenne relative au devoir de vigilance CSDDD pour généraliser l’obligation de réduction des impacts négatifs sur l’ensemble de leur chaîne de valeur
- Règlement européen relatif au service financier SFDR pour harmoniser les normes et standards de durabilité pour les acteurs financiers européens
- Directive concernant les marchés d’instruments financiers MIFID2.
Taxonomie
La taxonomie européenne apporte une définition de ce qu’est une activité économique « durable sur le plan environnemental » (c’est-à-dire « verte »), au travers d’un système de classification des différentes activités économiques. Elle classifie à un instant t les activités économiques suivant qu’elles soient durables ou non (sachant que ne pas être « vert » au sens de la taxonomie ne signifie pas pour autant être « brun » : une activité liée à la santé n’est ainsi pas verte, mais n’est pas nécessairement brune non plus).
Elle se fonde sur six objectifs (deux climatiques ; quatre environnementaux) :
- Objectif n°1 : atténuation du changement climatique
- Objectif n°2 : adaptation au changement climatique
- Objectif n°3 : protection des ressources aquatiques et marines
- Objectif n°4 : économie circulaire
- Objectif n°5 : prévention et réduction de la pollution
- Objectif n°6 : protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes
Deux actes délégués viennent définir les critères permettant de déterminer l’alignement des activités économiques avec chacun de ces six objectifs : l’un spécifique aux deux objectifs climatiques (atténuation, adaptation), a été adopté en décembre 2021, et l’autre, adopté en 2023 est relatif aux quatre autres objectifs environnementaux.
A partir de ces éléments, la Taxonomie européenne requiert la validation de trois conditions cumulatives pour établir qu’une activité économique est “alignée avec la taxonomie” :
- Elle contribue substantiellement à un ou plusieurs de ces six objectifs. Si l’on prend l’exemple de l’acte délégué « atténuation » (objectif n°1), il précise les seuils et critères spécifiques pour chaque activité économique afin d’établir si cette activité économique peut être considérée comme alignée avec cet objectif.
- Elle ne cause pas de préjudice important à aucun des autres objectifs climatiques ou environnementaux précités. C’est le principe du “do not significant harm” et ce sont à nouveau les actes délégués qui précisent les critères et seuils à partir desquels on peut parler de préjudice pour tel ou tel objectif.
- Elle est exercée en respectant les garanties minimales sociales.
Ainsi, pour être alignée avec la taxonomie, une activité économique doit être durable au sens de l’un des six objectifs, et ne pas être néfaste sur les cinq autres objectifs ni en termes sociaux.
Afin de garantir que les activités économiques de transition restent sur une trajectoire de transition crédible et compatible avec une économie neutre pour le climat, la Commission doit réexaminer les critères définis par les actes délégués au moins tous les trois ans, et le cas échéant, modifier les actes délégués en fonction des progrès scientifiques et technologiques.
Les activités économiques éligibles à la Taxonomie :
Toutes les activités ne sont pas susceptibles d’être concernés par la Taxonomie. Seules les activités qui peuvent apporter une contribution substantielle à chaque objectif environnemental sont éligibles à la Taxonomie. Aujourd’hui, environ 90 activités dites éligibles sont couvertes par la Taxonomie couvrant 80% des émissions de GES.
Mais ceci ne signifie pas qu’elles soient forcément alignées : une activité éligible ne respecte pas nécessairement les critères techniques permettant de considérer qu’elle soit alignée.
Trois catégories d’activités différentes sont éligibles :
- Les activités “vertes” qui peuvent être considérées comme durables (même en 2050).
- Les activités transitoires[1], qui ne concernent que l’objectif d’atténuation du changement climatique, et qui sont les activités pour lesquelles il n’existe pas d’alternative technologiquement et économiquement réalisable à faible émission de carbone. Elles sont considérées comme contribuant de manière substantielle à l’objectif d’atténuation du changement climatique.
- Les activités “habilitantes” qui sont des activités qui « permettent directement » à d’autres activités d’apporter une contribution substantielle à l’un ou plusieurs des objectifs de la taxonomie, pour autant que cette activité économique (i) n’entraîne pas un verrouillage dans des actifs qui compromettent des objectifs environnementaux à long terme, compte tenu de la durée de vie économique de ces actifs ; (ii) ait un impact environnemental positif significatif sur la base de considérations relatives au cycle de vie.
A qui s’adresse la Taxonomie ?
La Taxonomie concerne trois types d’acteurs (article 1 du règlement) :
- Les Etats-membres et les institutions de l’UE qui mettent en place des outils financiers et des politiques publiques durables.
- Les grandes entreprises non financières couvertes par la Directive NFRD qui devront publier la ventilation de leur chiffre d’affaires, et de leurs dépenses d’investissement et opérationnelles (CAPEX et OPEX) entrant dans le champ de la taxonomie.
- Les acteurs financiers, à savoir à ce stade les investisseurs institutionnels et gestionnaires qui proposent des produits financiers qui devront rendre publique l’alignement de leurs produits avec la taxonomie.
Quelles obligations de reporting requiert la Taxonomie ?
Les obligations de reporting portent différemment sur ces acteurs.
Pour les entreprises non financières, c’est l’article 8 de l’acte délégué qui fixe leurs obligations ainsi que leur calendrier d’entrée en application. A terme, elles devront calculer et publier la part de leurs activités éligibles et alignés avec la Taxonomie en calculant 3 indicateurs financiers clefs : chiffre d’affaires “durable”, Capex “durables” et Opex “durables”.
- Pour l’exercice 2023, elles doivent publier la ventilation de leur chiffre d’affaires et de leur dépenses Capex et Opex (éligibilité et alignement) relatifs aux objectifs climatiques ainsi que les indicateurs d’éligibilité pour les autres objectifs environnementaux.
- Pour l’exercice 2024, elles devront publier à nouveau les trois indicateurs mentionnés au-dessus mais cette fois sur l’ensemble des activités des six objectifs environnementaux.
Il est aussi important de préciser qu’à compter du 1er janvier 2024, ce reporting sera intégré aux obligations de publication de la CSRD. Les exigences de reporting seront donc étendues progressivement aux autres sociétés soumises à cette directive (selon des modalités précisées par l’ordonnance de décembre 2023).
Pour les acteurs du secteur financier, les indicateurs requis sont différents : ils doivent publier la part de leurs investissements dans les activités alignés à la Taxonomie.
- Depuis le 1er janvier 2022, elles doivent calculer et publier leur GAR (Green Asset Ratio) qui établit la proportion des actifs investis dans des activités éligibles à la taxonomie verte européenne.
- Depuis le 1er janvier 2024, elles devront publier le GAR calculant leur part d’investissement dans les activités alignées.
Deux lectures peuvent être faites de la taxonomie :
- Une approche statique (allocation des financements aux activités considérées comme vertes selon cette classification) ;
- Une approche dynamique : la taxonomie apporte un point de référence aux entreprises dans leur prise de décision afin de guider et de piloter leur transformation. Elle définit les objectifs à atteindre par activité, sans préciser la trajectoire pour arriver à ces objectifs.
Cette lecture dynamique de la taxonomie doit être privilégiée car l’enjeu n’est pas d’allouer les capitaux à des activités déjà vertes, mais d’investir dans des activités aujourd’hui carbonées et ayant des plans crédibles pour se transformer. Ainsi l’amélioration significative des entreprises est l’objectif à suivre et celui-ci pourrait être limitée par un respect strict des seuils fixés dans la taxonomie. Certains ne sont pas atteignables à court terme en raison des cycles d’investissement et toutes les entreprises ne partent pas du même point de départ et certaines sont trop loin des cibles pour pouvoir être qualifiées de “durables” à court terme.
Tout ceci nécessite toutefois la production et la publication de plans de transition sérieux et crédibles, s’appuyant sur des cadres de référence reconnus tels que la méthode ACT de l’ADEME. Par ailleurs, ce travail d’interprétation de la taxonomie doit être adapté aux enjeux de chaque secteur.
[1] En anglais dans la taxonomie « Transitional activities »
CSRD
La CSRD ou Corporate Sustainability Reporting Directive est une directive européenne applicable depuis le 1er janvier 2024 qui fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier. Elle prend la suite de la NFRD qui avait été établi en 2014 et vise à harmoniser le reporting extra-financier des entreprises européennes et à améliorer la disponibilité et la qualité des données publiées.
Qui sera concerné ?
La CSRD couvrira progressivement près de 50 000 sociétés, selon le calendrier d’application suivant :
- A partir du 1er janvier 2024 (reporting publié en 2025) : les entreprises concernées seront celles qui sont déjà dans le champ d’application de l’actuelle directive européenne NFRD (Non Financial Reporting Directive) et qui publient déjà une déclaration de performance extra-financière (DPEF). Il s’agit des entreprises cotées qui ont plus de 500 salariés, et plus de 40 M d’euros de chiffres d’affaires et/ou 20 M d’euros de total de bilan ;
- A partir du 1er janvier 2025 : toutes les autres grandes entreprises européennes seront concernées, c’est-à-dire celles qui remplissent 2 des 3 critères suivants : 250 salariés, 40 M d’euros de chiffre d’affaires ou 20 M d’euros de total de bilan ;
- À partir du 1er janvier 2026 : la directive concernera les PME cotées sur un marché règlementé, à l’exception des microentreprises. Les PME appliqueront des normes de reporting allégées et auront la possibilité de différer leurs obligations deux années supplémentaires ;
- Enfin, à partir du 1er janvier 2028, : certaines grandes entreprises non européennes seront elles aussi concernées si elles ont un chiffre d’affaires européen supérieur à 150 M d’euros et une filiale ou succursale basée dans l’Union européenne
Un nouveau standard
La directive CSRD crée aussi des nouvelles normes européennes de reporting de durabilité plus détaillée dites normes “ESRS” (European Sustainability Reporting Standards).
Plusieurs types de normes ESRS sont prévues : les normes transversales (qui s’appliqueront à toutes les entreprises), les normes thématiques (relatifs aux enjeux ESG) et mêmes des normes spécifiques pour les PME cotées sur les marchés réglementés.
Les normes ESRS 1 dites « principes généraux » décrivent l’architecture, les principes et les concepts généraux des normes ESRS, notamment l’idée de double matérialité.
Les normes ESRS 2 dites « informations générales » détaillent les informations que les entreprises devront présenter en lien avec les sujets matériels de durabilité et qui recoupent les lignes directrices établies par la TCFD : gouvernance, stratégie, processus d’identification et de gestion des impacts, risques et opportunités de durabilité, ainsi que les indicateurs et objectifs.
Et ces deux normes transversales sont complétées par des normes thématiques qui précisent les informations spécifiques à fournir sur les impacts, les risques et les opportunités matériels liés à chaque thématique de durabilité pour les trois enjeux ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Les normes ESRS E1 sont relatifs aux enjeux liés au climat, ESRS S4 aux enjeux liés à la biodiversité etc.
Un principe cardinal : la double matérialité
Pierre angulaire de la CSRD, la double matérialité implique que les entreprises devront publier des informations nécessaires pour comprendre d’une part les effets des enjeux de durabilité sur leur situation et performance financières, et d’autre part leurs impacts sur l’environnement et la société.
Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD)
La CS3D a été adopté par le Parlement Européen le 24 avril 2024. Elle est actuellement en attente de la dernière étape : être approuvé formellement par le Conseil.
La directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (aussi appelée CSDDD ou CS3D : Corporate Sustainability Due Diligence Directive) prévoit de mettre en place un devoir de vigilance pour certaines entreprises européennes. Elle imposerait aux entreprises l’obligation de surveiller leur impact négatif sur les droits humains et sur l’environnement, notamment en ce qui concerne le travail des enfants, l’esclavage, l’exploitation du travail, la pollution, la déforestation, la consommation excessive d’eau ou les dommages causés aux écosystèmes.
A ce titre, elle s’inspire largement du devoir de vigilance inscrit au droit français en 2017.
Que prévoit ce texte ?
Le devoir de vigilance se décomposerait en 4 volets :
- Faire une cartographie des incidences négatives potentielles ou réelles découlant des activités de l’entreprise, de ses filiales, ou des entités de sa chaîne de valeur avec lesquelles elle entretient une relation commerciale. (C’est une dimension clé de la directive, qui s’inspire de la loi française relative au devoir de vigilance.)
- Prévenir les incidences négatives potentielles en déployant des plans d’action, avec des indicateurs de suivi, des garanties contractuelles avec les partenaires directs etc.
- Atténuer les incidences négatives réelles et mettre en oeuvre des mesures de remédiation (politique d’indemnisation, mise en place de nouvelles garanties contractuelles ou , rupture des relations commerciales en cause).
- Mettre en place des mécanismes internes de plainte et d’alerte auprès des entreprises pour faciliter les signalements des incidences négatives.
Par ailleurs les entreprises devraient également adopter un plan (dit plan de transition) garantissant que leur modèle est conforme aux efforts mis en œuvre pour contenir le réchauffement climatique à 1,5 °C.
À qui s’appliquerait ce texte ?
La législation s’appliquera, selon un calendrier progressif jusqu’à 5 ans après son entrée en vigueur, aux entreprises de l’UE et aux sociétés mères de plus de 1 000 salariés (contre 500 auparavant) et ayant un chiffre d’affaires net mondial supérieur à 450 millions d’euros (au lieu des 150M de la version initiale).
Au total c’est donc 5 300 entreprises qui seront concernés (contre 15 000 dans le texte initial).
Enfin, elle s’appliquerait également aux sociétés de pays tiers et aux sociétés mères ayant un chiffre d’affaires équivalent dans l’UE.
Des sanctions ?
Chaque pays de l’UE devrait également désigner une autorité de contrôle chargée de vérifier que les entreprises respectent ces obligations. Ces derniers seraient en mesure de lancer des inspections et des enquêtes et d’imposer des sanctions aux entreprises non conformes, y compris la dénonciation publique et des amendes allant jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires net mondial.
Par ailleurs, les entreprises seraient aussi responsables du non-respect de leurs obligations liées au devoir de vigilance et les victimes pourront ainsi avoir droit à l’indemnisation pour des dommages-intérêts.
Aussi, pour encourager les entreprises, le respect des obligations de devoir de vigilance pourrait constituer un critère dans le cadre des attributions de contrats publics et de contrats de concession.
SFRD
La SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) est une réglementation qui vise à promouvoir la durabilité du secteur financier au sein de l’Union européenne. Entrée en vigueur en mars 2021, elle s’applique à tous les prestataires de services d’investissement (PSI) et aux gestionnaires d’actifs qui fournissent des services financiers dans l’Union européenne.
Elle leur impose de divulguer des informations sur la durabilité de leurs produits financiers et de classer leurs fonds en fonction de ces critères. Les informations à publier sont relatives à la politique d’investissement durable, notamment la façon dont les risques liés à la durabilité et les principales incidences des investissements sur les facteurs de durabilité sont pris en compte. Dans ce cadre, les acteurs financiers doivent notamment exposer les Principal Adverse Impacts, (PAI) c’est-à-dire les principales incidences négatives et la façon dont les objectifs de durabilité sont atteints.
Par ailleurs, le règlement SFDR impose également aux sociétés de gestion de rendre transparentes les politiques de rémunération tenant compte de l’intégration des risques liés au développement durable.
Les acteurs concernés (PSI et gestionnaires d’actifs) doivent également publier des rapports annuels sur leur conformité à cette réglementation.
Aussi, une des particularités de SFDR repose sur cette distinction entre les produits financiers en fonction de leur contribution à la durabilité. Il existe trois types de fonds dits “article 6”, “article 8” et “article 9” qui permettent de fournir aux investisseurs des informations claires et comparables sur la durabilité de leurs investissements :
- Fonds “article 6” = fonds sans objectif de durabilité explicite. Ils ne sont pas soumis à des exigences particulières sur la durabilité et peuvent investir sans prendre en compte les critères ESG.
- Fonds “article 8” = fonds qui ont pour objectif la durabilité mais sans être soumis à des critères de durabilité contraignants. Ces fonds doivent fournir des informations claires sur la façon par laquelle ils prennent en compte les critères ESG dans leurs investissements.
- Fonds “article 9” = fonds à vocation durable. Ils sont des critères de durabilité contraignants et des objectifs clairs en matière de durabilité. Les fonds “article 9” doivent fournir des informations détaillées sur la façon dont ils intègrent les critères ESG dans leur processus de sélection et sur les résultats de leur politique d’investissement durable.
L’objectif est ainsi de distinguer et comparer plus facilement les stratégies d’investissements durable actuellement disponible au sein de l’Union européenne. En offrant une information plus transparente quant au degré avec lequel les produits financiers prennent en compte les critères ESG, la SFDR aide les investisseurs dans leur choix.
CSRD | SFDR | TAXO | |
---|---|---|---|
Pourquoi? | Harmoniser le reporting ESG des entreprises | Identifier les fonds/produits durables | Nommer les activités durables |
Pour qui? | Entreprises de +250 salariés et PME cotées (à destination des consommateurs et marchés financiers) | Acteurs des marchés financiers (à destination des investisseurs) | Entreprises et acteurs des marchés financiers (à destination des investisseurs, consommateurs…) |
Comment? | Grâce à un rapport de durabilité indiquant les mesures ESG mises en place | Grâce à une classification des fonds (article 9, 8 et 6) | Contribution substantielle à un des critères (l’atténuation du changement climatique, l’adaptation, l’eau, l’économie circulaire, la pollution et la biodiversité) + DNSH + garanties sociales |
Limites et future révision
A la suite de consultations, la Commission européenne devrait proposer dans les prochains mois une révision du règlement SFDR. Ses limites ont été identifiées, notamment en raison de l’absence de critères précis pour qualifier les produits financiers relativement aux enjeux de durabilité.
Cette révision pourra ainsi clarifier le rôle de la Taxonomie dans la qualification durable des produits financiers.
MIFID II
Entrée en vigueur en janvier 2018, cette directive européenne dite Markets in Financial instruments directive II vise à renforcer la protection des investisseurs en obligeant les institutions financières à proposer des produits financiers adaptés aux attentes du clients. L’idée est d’informer le client de façon précise sur le processus et sur les risques encourus.
Surtout, une révision de la directive de l’Union européenne lors de l’été 2022 oblige désormais également les sociétés de gestions d’actifs à évaluer les préférences des clients en matière de durabilité.
Concrètement, cela signifie que les intermédiaires offrant un conseil en investissement ou en service de gestion de portefeuille doivent recueillir en plus des informations relatifs à la situation financière, aux objectifs d’investissements ou encore à la tolérance au risque, des informations portant sur les préférences ESG des clients. Et, ces dernières doivent être pris en compte dans le processus de sélection des produits.
Les questionnaires soumis par les conseiller financiers doivent ainsi permettre de définir les attentes des clients sur trois aspects :
- La proportion minimale d’investissement aligné avec la Taxonomie européenne
- La proportion minimale d’investissements durables au sens de SFDR
- La prise en compte par les instruments financiers des « principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité » c’est-à-dire les impacts négatifs des investissements sur les questions sociales ou environnementales.
L’objectif de cette nouvelle réglementation est ainsi de traduire les réglementations européennes pour les particuliers afin d’orienter les épargnants européens vers des produits qui contribueront à une économie plus durable.
Les normes volontaires internationales
A l’échelle internationale, on retrouve davantage de normes volontaires que de véritables réglementations contraignantes. Certaines de ces normes peuvent devenir contraignantes si elles sont reprises par les Etats, notamment en raison de leur qualité et de leur portée.
IFRS S1 et S2
Ces deux normes ont été publiées par l’International Sustainability Standards Board (ISSB) et visent à fournir des informations concernant la durabilité et l’exposition des entreprises aux risques en lien avec le changement climatique.
La norme IFRS S1 concerne les obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité. Concrètement, elle exige qu’une entreprise publie des informations sur sa gouvernance, sa stratégie, sa gestion des risques et les objectifs mesurables qu’elle suit en lien avec le développement durable.
La norme IFRS 2 exige que les entreprises fournissent des informations sur les opportunités et les risques liés au changement climatique et notamment son incidence sur leur situation financière : leur performance financière, leur flux de trésorerie, leur stratégie ou plus largement leur modèle économique.
En pratique, une entreprise qui applique la norme IFRS S1 sera tenue d’appliquer IFRS S2.
Aussi, l’ISSB a fait le choix dans ses deux normes de se reposer sur la simple matérialité financière, en ne prenant en compte que l’impact des changements environnementaux sur la performance des entreprises.
Le choix de l’ISSB de la simple matérialité s’oppose à celui des normes européennes ESRS. Toutefois, il est important de préciser que ces deux normes ont été pensé pour pouvoir être utilisés en même temps. Un acteur qui utilise les normes de l’ISSB et qui souhaite suivre des normes plus exigeantes peut facilement utiliser les ESRS en réutilisant les informations de matérialité financière des IFRS. Elles sont interopérables.
GRI (Global reporting initiative)
Les normes GRI forment le plus grand standard de reporting au niveau mondial.
Elles permettent à toute organisation, peu importe sa taille, – grande ou petite, de rendre compte de ses impacts sur l’économie, l’environnement et les personnes d’une manière comparable et crédible, augmentant ainsi la transparence de sa contribution au développement durable.
Au-delà des entreprises, les normes GRI sont très pertinentes pour de nombreuses parties prenantes, notamment les investisseurs, les décideurs politiques, les marchés financiers et la société civile.
Il en existe différents types : universels, sectoriels et thématiques.
GHG Protocol
Le GHG protocol fournit les normes de comptabilisation des gaz à effet de serre les plus utilisées au monde.
Ces normes sont conçues pour fournir un cadre aux entreprises, aux gouvernements et à d’autres entités afin de mesurer et de déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre de manière à soutenir leurs missions et leurs objectifs.
En 2016, 92 % des entreprises du Fortune 500 qui ont répondu au CDP ont utilisé le GHG Protocol directement ou indirectement par l’intermédiaire d’un programme basé sur le GHG Protocol. Il constitue la plateforme comptable de pratiquement tous les programmes de déclaration des émissions de gaz à effet de serre des entreprises dans le monde.
Les réglementations au niveau national
Les réglementations financières à l’échelle nationale portent sur deux types d’acteurs : les entreprises & les institutions financières.
Au niveau des entreprises
Cadre de reporting extra-financier
Les premières obligations réglementaires de reporting extra-financier des entreprises en France date de 2001, et ont été renforcées au fur et à mesure jusqu’à l’ordonnance n°2017- 1180 et au décret n°2017-1265 transposant les exigences de la Non-Financial Reporting Directive / NFRD (directive européenne adoptée en 2014).
Avec cette ordonnance, la déclaration de performance extra-financière est née.
Elle consiste en la publication d’un document par les entreprises détaillant leur mode de gouvernance ainsi que l’incidence de leur performance et de leurs activités sur des aspects environnementaux, sociaux et sociétaux.
Cette déclaration remplace alors le rapport RSE pour toutes les entreprises soumises à cette obligation ou y souscrivant volontairement. Elle concerne plusieurs types d’entreprises :
- Les sociétés cotées avec un effectif supérieur à 500 employés, un bilan supérieur à 20M d’euros ou un CA excédant 40M d’euros.
- Les sociétés non cotées avec un effectif supérieur à 500 employés mais avec un bilan ou CA excédant 100M d’euros.
- Les établissements exerçant une activité de crédit, assurance, mutuelle, prévoyance sont également soumis à l’obligation de déclaration, selon leur forme juridique et conformément aux seuils définis.
Le 7 décembre 2023, une nouvelle ordonnance a modifié à nouveau les règles relatives à la DPEF en France en transposant la CSRD (qui succède à la NFRD), qui étend le champ des entreprises concernées et consacre le principe de double matérialité. Avec cette dernière, les investisseurs, les salariés et les clients des entreprises auront désormais un accès facilité à une information détaillée sur la durabilité des entreprises, qui sera standardisée et comparable au niveau européen :
- D’abord les obligations de transparence en matière de durabilité des grandes entreprises et des PME cotées ainsi que, par un régime spécifique, les entreprises de pays tiers détenant une succursale ou filiale en France sont renforcées. Elles portent sur les enjeux ESG et répondent au principe de double matérialité c’est-à-dire qu’elles doivent à la fois refléter les incidences de l’activité de l’entreprise sur les enjeux de durabilité mais aussi les incidences de ces enjeux sur l’entreprise.
- Les compétences de l’ANC (autorité des normes comptables) est étendue à ces informations.
- Les informations doivent être certifiées par un commissaire aux comptes ou organismes tiers indépendant accrédité.
Par ailleurs, l’ordonnance tire également les conséquences du risque de redondance des cadres de reporting : elle cherche à améliorer la cohérence des dispositifs en vigueur en créant des définitions communes des trailles de sociétés et de groupes, en facilitant la lisibilité des dispositifs en les rassemblant au sein d’une section commune et à unifier les procédures judiciaires d’injonction permettant aux personnes de demander leur respect.
Le cas du bilan des émissions de gaz à effet de serre (ou BEGES)
Le BEGES a été introduit par la loi Grenelle II de 2010.
- Son champ d’application était assez restreint : personnes morales de droit privé de plus de 500 salariés (250 salariés dans les départements d’outre-mer), les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants et les établissements publics (dont l’effectif est supérieur à 250 agents) et services de l’Etat.
Avec la loi TECV de 2015, les modalités d’applications se sont renforcées :
- Une entreprise doit publier un BEGES tous les 4 ans, une collectivité territoriale ou un établissement public tous les 3 ans, le BEGES est publié sur une plateforme information administrée par l’ADEME et enfin il est contrôlé au niveau de la région par la DREAL
Avec la loi Énergie-climat (2019), les modalités d’application changent :
- Le BEGES doit être accompagné d’un plan de transition pour réduire les émissions, il sera intégré au reporting existant (ex. déclaration de performance extra-financière pour les entreprises soumises à la transposition de NFRD). Enfin, en cas de non-réalisation du BEGES, une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 euros est prévue.
Le cas du devoir de vigilance
La question d’un devoir de vigilance se pose plus frontalement depuis l’effondrement du Rana Plaza en 2011 au Bangladesh qui a causé la mort de plus de 1100 personnes. Depuis ce jour, la question de la responsabilité des entreprises se posaient et la France a été la première à agir concrètement en 2017 avec une loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
Avec cette loi, les grandes entreprises ont le devoir de mettre en œuvre des mesures tout au long de leur chaîne de valeur pour identifier les risques et prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement.
Concrètement, elles doivent élaborer et mettre en œuvre un plan de vigilance qui contient des mesures d’évaluation de ces risques ainsi que des précisions sur les moyens mis en place pour y remédier. Ce rapport doit être rendu public et transmis aux partenaires de l’entreprises. Un aspect important est donc celui de la mise en place de dispositif de suivi pour vérifier l’efficacité des mesures de prévention établies.
En cas de manquement à ces obligations de moyens, les entreprises peuvent être tenues responsables civilement et pénalement : il existe un certain nombre d’affaires encore en cours aujourd’hui.
Aujourd’hui, le devoir de vigilance ne s’applique qu’aux très grosses entreprises ayant leur siège social en France ou aux filiales contrôlées par une entreprise française et employant plus de 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde.
Pour rappel, comme évoqué précédemment, le principe derrière cette loi devrait être généralisé au niveau européen par l’intermédiaire de la directive CS3D.
Au niveau du secteur financier
Cadre pour les investisseurs en matière d’information extra-financière
La France a également développé des réglementations spécifiques applicables aux sociétés de gestion de portefeuilles et aux investisseurs institutionnels.
En 2015, elle introduit la première disposition légale au monde avec l’article 173 de la LTECV ou « loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte » qui exige des sociétés de gestions d’actifs et des investisseurs institutionnels qu’ils publient leurs politiques de gestion des risques climatique et ESG et leur stratégie d’investissement dans un rapport de durabilité.
Inspirant SFDR, la France a donc été pionnière sur le sujet et va même plus loin avec un autre texte en 2019.
En novembre 2019, l’article 173 est remplacé par l’Article 29 de la Loi Énergie Climat qui établit de nouvelles obligations de publication pour les investisseurs.
Ce dispositif se veut plus ambitieux que le règlement Disclosure Européen (SFDR), avec une mise en avant explicite des enjeux liés au climat et à la biodiversité.
Concrètement, l’Article 29 impose aux acteurs financiers de publier, d’une part, les impacts de leur portefeuille sur le changement climatique et sur l’érosion de la biodiversité et, d’autre part, la vulnérabilité de leurs portefeuilles sur ces deux thématiques. Les acteurs financiers doivent également expliciter la politique mise en place pour prendre en compte ces risques dans leur stratégie d’investissement.
Sur le climat, cela signifie que les acteurs financiers doivent publier leur stratégie d’alignement avec l’objectif de l’accord de Paris ainsi que l’alignement des encours sur les activités durables de la taxonomie européenne. Aussi, ils doivent déclarer leurs encours dans les investissements fossiles.
Les obligations de reporting de cette loi s’appliquent à l’ensemble des acteurs financiers dont les actifs sous gestion dépassent les 500M d’euros. Selon le Climate Transparency Hub, plateforme sur laquelle on retrouve ces rapports, ce sont plus de 400 entités qui ont publié leur rapport la première année.